Adventice
Parce que les mauvaises herbes ne font pas des plantes en pot, cette illustration est pour la plus belle et robuste des adventices : ma maman.
Elle même farouche fleur sauvage eut tenté de tuteuriser sa petite bouture, qui n’en fit de toute façon toujours qu’à sa sève.
Le gène cruaud n’est bien heureusement pas récessif et il faut avouer que je l’ai bien entretenu.
Dès ma plus tendre photosynthèse, j’étais attirée par le monde qui m’entourait, à l’affût du vivant, passionnée par sa diversité.
Observer le moindre détail, plonger mon regard dans la spirale vertigineuse des fractales des pissenlits, pommes de pin, choux en tout genre..
Du potager à la forêt en passant même par le marché ou je restais bloquée sur un romanesco, malgré l’impatience des chalands derrière moi.
Scruter les autres espèces alimentaient ma soif d’apprendre, comblait mon coeur et mon esprit de la plus grande des beautés ( humble et discrète de surcroit )
Arrosée saison après saison par ceux qui avaient décidé de me faire germer dans le meilleur des terreaux, je fis mes premières feuilles.
Je fus donc conduite au potager municipal, plantée en rang d’oignon avec d’autres semis.
Il a fallu pousser droit, pas une racine de travers et surtout diriger toutes nos feuilles vers la même lumière artificielle, le but étant, j’imagine, d’intégrer un bel étal de supermarché.
Certains poussaient plus vite que d’autres et on écarta déjà les pieds sur lesquels on ne miserait point sans même s’intéresser à sa variété.
Les plus grands, au plus proche du tuteur furent traités de pesticides, dans le cas malheureux où ils fréquenteraient à l’avenir des parasites, sans même leur apprendre à se protéger par eux-mêmes..
Les plantes « parents » étaient parfois réticentes mais très avides que leur bourgeon éclot en avance ou fasse de plus grandes feuilles que celles du voisin, permettant ainsi de se faire mousser la chlorophylle.
Venu le temps de la production et du « résultat », certains d’entre nous mirent toutes leurs énergies à produire de beaux gros fruits bien juteux au péril de leur tige, sous la pression d’autres plantes malades et dopées au round up.
Ce qui compte c’est le calibre ! La vitesse ! et tant pis pour la couleur, on verra ça en post prod.
La qualité des fruits importe peu, de toute façon ça ne se voit pas.
Pendant que, dans les champs tout ce petit monde s’accrocha afin d’intégrer un beau caddie, d’autres, au détour d’un chemin, dansaient avec le vent et draguaient les insectes..
Ces autres avaient continué de pousser sur le bas-côté dans la plus grande discrétion. On les fauchait, arrachait mais leurs racines étaient si tenaces qu’elles repoussaient de rechef, sans
parler de leurs graines, bien plus nombreuses déjà dispersées de mille et une manières.
On les appelait les mauvaises herbes, mais elles portaient le nom d’Adventice.
D’une beauté simple ou de couleurs chatoyantes, elles vivent ensemble et en harmonie.
Elles attirent à elles une multitudes d’espèces volantes et rampantes avec qui elles partagent leurs nectars, certaines sont mellifères et contribuent de ce fait à bien plus de choses. ( Et ce sera sans doute une petite histoire à part )
Rien ne sert de pousser malade, entassé et stérile, et il n’est jamais trop tard pour changer …
Je vous invite à observer mais vous l’avez sûrement déjà fait :
Le coquelicot même seul dans un champ attire toute l’attention quand le reste est uniforme …
Ce sont les seules être vivants qui poussent dans la moindre fissure de béton, la moindre brique, bouche d’égout …la beauté parmi le gris environnant.
En balade, sur vos chaussures ou chaussettes, et même dans vos cheveux vous retrouvez bien souvent leurs graines accrochées ( moi j’me dis qu’elles prennent le bus ) prêtent à conquérir le monde !
Si vous aussi vous vous sentez une mauvaise herbe, je vous invite à partager cette petite pensée.
Gardez dans vos têtes pleines de graines que vous êtes bien plus résistants au vent que vous ne le pensez, d’ailleurs il est votre allié et portera vos pistils plus loin que vous ne l’imaginez.
Personnellement je pense être un pissenlit ( comme ma maman ), j’attends patiemment mon état de fleur solaire à celui d’innombrable pistils, prête à me disperser dans les airs, côtoyer les nuages
sans savoir où je vais atterrir. Le p’tit plus ce sera le don d’ubiquité, je vivrai et apprendrai en simultané, un rêve incroyable.
Et toi, t’es quoi comme mauvaise herbe ?
Chlorophyllement vôtre,
Aurélia, brindille de grand chemin